[…] Alors que je faisais mon
ablution en me lavant les mains, le visage et les pieds avec l’eau d’une outre,
quelques gouttes tombèrent sur une touffe sèche à mes pieds, petite plante
misérable, jaune, flétrie et sans vie sous les âpres rayons du soleil. Mais dès
que l’eau commença à s’égoutter sur elle, un frisson parcourut ses feuilles
recroquevillées que je vis s’ouvrir lentement et en tremblant. Quelques gouttes
de plus, et les petites feuilles s’animèrent, s’enroulèrent et se redressèrent
doucement, en hésitant et frissonnant…Je retins ma respiration et versai encore
un peu d’eau sur la touffe d’herbe. Elle s’anima plus vivement, presque avec
violence, comme si quelque force mystérieuse la faisait t sortir du rêve de la
mort. Ses feuilles se contractèrent et s’étendirent comme les tentacules d’une
étoile de mer, apparemment saisies par un délire timide, mais irrépressible,
véritable petite orgie de joie sensuelle. Ainsi la vie entra victorieusement
dans ce qui, il y a un moment, n’était que chose morte ; elle y entrait
visiblement, passionnément, irrésistiblement, avec une majesté dépassant
l’entendement ».[1]
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