mardi 11 septembre 2012

PARFUMS




C’était comme s’il avait senti à travers l’écran de télévision, que je devinais ce qu’il allait me raconter.
Il était de la périphérie de Naples.
L’Italie.
Magnifique plantation de citrons d’Amalfi.
Souvenirs.
Autrefois, la famille vivait dans une seule pièce.
Pour s’accoupler, les parents la quittaient en pleine nuit, et allaient dans la plantation de citrons.
C’est au milieu des citronniers que sa mère a accueilli les semences de son père où se trouvaient les enfants.
Ses frères, ses sœurs et lui.
En eux coule le citron, avait-il dit.[1]
Flots de pensées.
Averses d’images.
Afflux de sensations.
Me voilà enfant.
Appréciant les promenades avec un frère cadet et une soeur plus âgée.
Douceur d’automne.
Nuages d’hiver.
Ciel bleu du printemps.
Chaleur du soleil l’été.
J’avais sept ou huit ans et nous habitions au quartier de l’Océan à Rabat,[2] au Mghrib.[3]
La maison avait un patio où j’aimais jouer et auquel je repense avec douceur.
Ma belle-mère, mes sœurs, mes frères et moi occupions le rez-de-chaussée.
Mon père avait le premier étage où son épouse le rejoignait la nuit.
Pour y accéder, le père passait cependant par le rez-de-chaussée et y restait un peu parfois.
Il fallait emprunter les allées du territoire du père pour monter à la terrasse.
Cette terrasse était un lieu enchanteur.
Et c’est à cet endroit que j’ai eu des sensations qu’il m’est difficile aujourd’hui encore, de décrire avec des mots.
Un jour, j’y suis resté un long moment.
Il faisait beau.
La terrasse voisine était couverte d’une toile qui la transformait en une sorte de grande tente. C’était la fête.
J’écoutais.
Je pouvais regarder aussi et ne me privais pas de le faire.
Je ne sais pas comment les choses se sont passées, mais subitement, elle était devant moi.
Au milieu des chants et d’innombrables personnes.
Je ne regardais qu’elle.
Je n’avais jamais vu quelqu’un comme elle.
J’étais transporté.
Elle était radieuse.
C’était une femme, mais pour moi c’était « autre chose ».
Je ne savais pas quoi.
Je pensais qu’elle ne regardait que moi et j’avais la sensation qu’elle me caressait du regard, me transmettait l’affection, m’offrait l’amour.
Une coulée de bonheur.
Ma belle-mère m’a expliqué que j’avais vu la mariée.
La signification exacte m’échappait un peu et j’avais une forte envie de rejoindre cette femme et de rester avec elle.
C’est peut-être à partir de cette époque que le mariage est devenu pour moi un symbole fort que les mots peinent à décrire.
Je me suis marié depuis.
Qu’est devenue la femme de la terrasse ?
Les années ont succédé aux années.
Des feuilles descendent des arbres et étreignent le sol.
Étalage de couleurs.
Une frêle toile d’araignée.
Une abeille poursuit son exploration.
Deux lapins regardent au loin.
Le bruit des véhicules à proximité ne couvre pas le son des glorifications que répand un couple d’oiseaux.
Un rythme m’accompagne.
Le rythme des battements du coeur de la mère.
Que dire de ce qui a été ?
Je sais, de Source Sûre, d’où je viens et où je vais.
Il pleut.
Il pleut et je pleure.
Je pleure et je pense aux larmes qui font germer des semences.
Saisir le Sens.
Approfondir le Lien.[4]



BOUAZZA


[1] Échappées belles, émission de télévision (France 5), dimanche 20 avril 2012 selon le calendrier dit grégorien.
[2] Arribaate, Rbaate (les "r" roulés).
[3] Le r roulé, Maroc.

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