samedi 30 juin 2012

« CITÉ INTERNATIONALE »


Je l’ai connu dans les années soixante dix, à l’université Paris VIII-Vincennes.[1]
Il venait du Mghrib.[2]
Quelques années plus tard, nous nous sommes perdus de vue.[3]
Ses enfants et son petit fils sont installés en France.[4]
C’est par un autre étudiant de la même époque que j’ai eu un jour, il n’y a pas longtemps, ses coordonnées.
Nous avons commencé, depuis l’année dernière, à nous voir un peu, lorsqu’il est de passage en France.[5]
Il y a quelques jours, il est passé à la maison et cette semaine, il m’a téléphoné pour me proposer de déjeuner à la « cité internationale ».
J’ai connu ce lieu[6] peu de temps après mon arrivée du Maroc, pour étudier au Sud-Est de la France.[7]
Je militais pour soutenir la résistance des populations de Filistiine,[8] contre la colonisation sioniste.
J’ai fait un voyage à Paris, avec un étudiant Palestinien et d’autres, afin de rencontrer des « camarades » à la « cité internationale »[9] où nous avons passé quelques jours.
Un grand domaine dans un cadre de verdure, avec des « Maisons » de divers pays[10] pour des résidents étudiants de multiples nationalités.[11]
Le bâtiment central, imposant et faisant penser à un château, abrite, entre autres, le restaurant, la cafétéria et s’ouvre derrière sur une terrasse spacieuse qui permet l’accès à une superbe pelouse.
La « Maison » du Liban[12] où j’ai été logé, est à proximité de cette pelouse.
Par la suite, j’ai été logé un peu plus loin, au bord du périphérique, dans la « Maison » d’Allemagne.
Je n’ai jamais résidé à la « cité internationale ».
Je me suis marié en 1973 et avec mon épouse, nous avons loué un logement[13] à Bagneux[14] où nous avons eu notre premier fils, né à l’hôpital de la « cité universitaire internationale » au quatorzième arrondissement de Paris, du côté des numéros pairs du boulevard Jourdan.[15]
J’étais étudiant à l’université Paris VIII, située dans le Bois de Vincennes, mais je me rendais à la « cité internationale », où j’ai beaucoup joué au football.
Je n’ai jamais cherché à profiter des autres installations sportives, comme je ne me rendais pas souvent à la « Maison » du Maroc.[16]
Il m’arrivait d’aller à la « cité internationale » avec mon épouse et aussi avec notre premier fils qui, à un an, connaissait déjà le restaurant universitaire, la cafétéria, la pelouse et d’autres espaces.
Plus tard, avec nos deux fils, nous avons fréquenté ce lieu où nous espérons nous rendre avec nos petits enfants, ine chaa-e Allaah.[17]
Descente à la station de métro « cité universitaire ».
Flots de pensées.
Averses d’images.
Afflux de sensations.
Je suis parmi la multitude.
Comme dans le passé.
En accédant à la « cité internationale », j’ai en face de moi le bâtiment central.
Sur ma gauche, la petite poste et quelques mètres plus loin, le buste d’André Honorat.[18]
En avançant, il me semblait voir les deux frères jumeaux venus du Maroc, étudiants en je ne sais plus quoi, qui vendaient le journal dit « révolutionnaire » de leur père, membre de « l’opposition de sa majesté »,[19] qui a participé, comme d’autres, à répandre la corruption,[20] que les successeurs continuent d’alimenter et d’entretenir.
Après avoir vendu quelques journaux, de quoi se payer le café, les jumeaux, satisfaits d’avoir servi « la révolution », allaient manger avec quelques adorateurs et adoratrices qui leur vouaient le culte dû aux fils du père, « combattant dans les rangs de la révolution mondiale » !
Beaucoup d’autres visages ont défilé.
Des joies.
Des peines.
Assis au bord de l’escalier d’entrée, j’ai attendu un moment, plongé dans des souvenirs.
Je me revois par exemple à la cafétéria de la « Maison de l’Inde » où j’ai demandé une omelette.
- Nature ou indienne ?
À cette question de l’étudiant, ou de l’étudiante,[21] qui assurait le service, j’ai répondu, sans me soucier du prix[22] qui était le double :
- Indienne.
La personne qui assurait le service a ajouté quelques lamelles d’oignons à l’omelette nature, pour en faire une omelette indienne.
Depuis, je n’ai plus jamais demandé d’omelette « indienne » !
Je souris chaque fois que je pense à cet épisode.
Et me voilà transporté pour retrouver des senteurs, des goûts, des couleurs, des regards, des voix, des émotions « d’autrefois jadis ».
À l’arrivée de mon camarade de l’université de Vincennes, nous avons déjeuné et nous nous sommes installés avec des boissons à la terrasse, comme des « anciens combattants relatant leurs faits d’armes » !
Sur la pelouse, des jeunes s’adonnaient au « farniente ».
Qui peut imaginer que dans les années soixante dix, nous étions ici, nous les grands-pères d’aujourd’hui ?
Nous avons quitté la « cité internationale » en nous attardant un peu devant les bâtiments Deutsch de la Meurthe, de style gothique, qui ont besoin, comme d’autres « Maisons », de sérieux travaux de rénovation.
Ainsi sont les jours qu’Allaah répartit entre les êtres.[23]



BOUAZZA


[1] Où j’ai atterri pour la rentrée universitaire 1972-1973 (selon le calendrier dit grégorien).
[2] Le r roulé, Maroc, mon pays d’origine comme on dit, que j’ai quitté après le baccalauréat pour continuer des études en France.
[3] Retourné au Maroc en 1977, je l’ai quitté quatre ans après pour m’installer en France où je suis toujours.
[4] Lui est installé au Maroc depuis les années quatre-vingt.
[5] Moi je ne vais pas au Maroc.
[6] À proximité du parc Montsouris.
[7] Pour l’année universitaire 1969-1970.
[8] Palestine.
[9] Après la première guerre dite mondiale où des millions de personnes ont été massacrées, et pendant que le colonialisme, dont le colonialisme français, étendait les exterminations et les destructions partout dans le monde, exterminations et destructions que poursuit toujours l’impérialo-sionisme, des industriels, des banquiers et autres parlaient de paix, de compréhension mutuelle et d’échanges dans la diversité et le respect.
C’est dans cet esprit paraît-il, après une première tranche de la fondation Émile Deutsch de la Meurthe prévue pour loger quelques centaines d’étudiants, que le projet de la cité universitaire internationale de Paris, boulevard Jourdan, a commencé à prendre forme pour ouvrir des Maisons de divers pays à des étudiants de différentes nationalités.
André Honorat, député, ministre de l’instruction publique, sénateur est considéré comme l’un des pères fondateurs de cette cité internationale qu’il a présidée de 1925 à 1948.
Il est dit qu’il en a ébauché le projet lors des débats parlementaires de 1919.
[10] Des dizaines de Maisons d’Europe, d’Amérique, d’Asie et d’Afrique.
[11] Plus d’une centaine de nationalités et plusieurs centaines de résidents.
[12] Lobnaane.
[13] Un studio.
[14] Dans le département des Hauts-de-Seine (92), pas loin de la Porte d’Orléans, et donc de lacité internationale.
[15] La cité internationale est du côté des numéros impairs.
[16] Je m’y suis rendu, surtout lorsque je venais du Sud-Est de la France, et que l’une des ailes de cette Maison était baptisée Fath, du nom du mouvement Palestinien de résistance.
Azzedine Kalak (‘Azz Addiine) fréquentait cette Maison.
Devenu délégué de l’O.L.P. (Organisation de Libération de la Palestine) à Paris, il a été assassiné dans cette ville, comme Mahmoud Hamcharii (le r roulé) avant et d’innombrables autres partout, avant et après.
Pour revenir à la Maison du Maroc, quelques années plus tard, elle a été reprise en main par des services de contrôle, vidée de ses résidents, fermée pendant un certain temps, refaite selon les règles d’une architecture d’intérieur dite du patrimoine marocain et transformée en résidence pour des personnes choisies selon ce qui ne déplaît pas aux autorités compétentes″, et pour des agents en déplacement à Paris.
Il a été souligné que la rénovation est un cadeau du roi à ses sujets reconnaissants, et un de ses gigantesques portraits a été accroché à l’entrée de la Maison.
[17] Si Allaah veut.
[18] Ce personnage est décédé en 1950, année de ma naissance.
[19].Au Maroc, le sultanat a été transformé par le colonialisme français en monarchie héréditaire, dite de "droit divin", où le sultan est devenu roi.
Ce régime installé pour servir le colonialo-impérialo-sionisme, est un régime de l’imposture, de la trahison, de la tromperie, de l’injustice, de la perversion, de la débauche, du mensonge, du pillage, de la tyrannie, du crime, de la torture, et autres, comme les régimes des pays dits arabo-musulmans.
[20] Alfaçaade.
Dans ce domaine, la continuité est assurée.
[21] Je ne me souviens plus.
[22] À l’époque, l’omelette nature devait coûter un franc, et le prix du repas au restaurant universitaire, un franc et quelques centimes.

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