Je l’ai connu dans les années
soixante dix, à l’université Paris VIII-Vincennes.[1]
Il venait du Mghrib.[2]
Quelques années plus tard, nous
nous sommes perdus de vue.[3]
Ses enfants et son petit fils
sont installés en France.[4]
C’est par un autre étudiant de la
même époque que j’ai eu un jour, il n’y a pas longtemps, ses coordonnées.
Nous avons commencé, depuis
l’année dernière, à nous voir un peu, lorsqu’il est de passage en France.[5]
Il y a quelques jours, il est
passé à la maison et cette semaine, il m’a téléphoné pour me proposer de
déjeuner à la « cité internationale ».
J’ai connu ce lieu[6] peu
de temps après mon arrivée du Maroc, pour étudier au Sud-Est de la France.[7]
Je militais pour soutenir la
résistance des populations de Filistiine,[8]
contre la colonisation sioniste.
J’ai fait un voyage à Paris, avec
un étudiant Palestinien et d’autres, afin de rencontrer des
« camarades » à la « cité internationale »[9] où
nous avons passé quelques jours.
Un grand domaine dans un cadre de
verdure, avec des « Maisons » de divers pays[10] pour
des résidents étudiants de multiples nationalités.[11]
Le bâtiment central, imposant et
faisant penser à un château, abrite, entre autres, le restaurant, la cafétéria
et s’ouvre derrière sur une terrasse spacieuse qui permet l’accès à une superbe
pelouse.
La « Maison » du Liban[12] où
j’ai été logé, est à proximité de cette pelouse.
Par la suite, j’ai été logé un
peu plus loin, au bord du périphérique, dans la « Maison »
d’Allemagne.
Je n’ai jamais résidé à la « cité
internationale ».
Je me suis marié en 1973 et avec
mon épouse, nous avons loué un logement[13] à
Bagneux[14] où
nous avons eu notre premier fils, né à l’hôpital de la « cité universitaire
internationale » au quatorzième arrondissement de Paris, du côté des
numéros pairs du boulevard Jourdan.[15]
J’étais étudiant à l’université
Paris VIII, située dans le Bois de Vincennes, mais je me rendais à la « cité
internationale », où j’ai beaucoup joué au football.
Je n’ai jamais cherché à profiter
des autres installations sportives, comme je ne me rendais pas souvent à la
« Maison » du Maroc.[16]
Il m’arrivait d’aller à la « cité
internationale » avec mon épouse et aussi avec notre premier fils qui, à
un an, connaissait déjà le restaurant universitaire, la cafétéria, la pelouse
et d’autres espaces.
Plus tard, avec nos deux fils,
nous avons fréquenté ce lieu où nous espérons nous rendre avec nos petits
enfants, ine chaa-e Allaah.[17]
Descente à la station de métro
« cité universitaire ».
Flots de pensées.
Averses d’images.
Afflux de sensations.
Je suis parmi la multitude.
Comme dans le passé.
En accédant à la « cité
internationale », j’ai en face de moi le bâtiment central.
Sur ma gauche, la petite poste et
quelques mètres plus loin, le buste d’André Honorat.[18]
En avançant, il me semblait voir les
deux frères jumeaux venus du Maroc, étudiants en je ne sais plus quoi, qui
vendaient le journal dit « révolutionnaire » de leur père, membre de
« l’opposition de sa majesté »,[19] qui a
participé, comme d’autres, à répandre la corruption,[20] que
les successeurs continuent d’alimenter et d’entretenir.
Après avoir vendu quelques
journaux, de quoi se payer le café, les jumeaux, satisfaits d’avoir servi
« la révolution », allaient manger avec quelques adorateurs et
adoratrices qui leur vouaient le culte dû aux fils du père, « combattant dans
les rangs de la révolution mondiale » !
Beaucoup d’autres visages ont
défilé.
Des joies.
Des peines.
Assis au bord de l’escalier
d’entrée, j’ai attendu un moment, plongé dans des souvenirs.
Je me revois par exemple à la
cafétéria de la « Maison de l’Inde » où j’ai demandé une omelette.
- Nature ou indienne ?
À
cette question de l’étudiant, ou de l’étudiante,[21] qui
assurait le service, j’ai répondu, sans me soucier du prix[22] qui
était le double :
- Indienne.
La personne qui assurait le
service a ajouté quelques lamelles d’oignons à l’omelette nature, pour en faire
une omelette indienne.
Depuis, je n’ai plus jamais demandé
d’omelette « indienne » !
Je souris chaque fois que je
pense à cet épisode.
Et me voilà transporté pour
retrouver des senteurs, des goûts, des couleurs, des regards, des voix, des
émotions « d’autrefois jadis ».
À l’arrivée de mon camarade de
l’université de Vincennes, nous avons déjeuné et nous nous sommes installés
avec des boissons à la terrasse, comme des « anciens combattants relatant
leurs faits d’armes » !
Sur la pelouse, des jeunes s’adonnaient
au « farniente ».
Qui peut imaginer que dans les
années soixante dix, nous étions ici, nous les grands-pères
d’aujourd’hui ?
Nous avons quitté la « cité
internationale » en nous attardant un peu devant les bâtiments Deutsch de
la Meurthe, de style gothique, qui ont besoin, comme d’autres
« Maisons », de sérieux travaux de rénovation.
Ainsi sont les jours qu’Allaah
répartit entre les êtres.[23]
BOUAZZA
[1] Où j’ai atterri pour la
rentrée universitaire 1972-1973 (selon le calendrier dit grégorien).
[2] Le ″r″
roulé, Maroc, mon pays d’origine comme on dit, que j’ai quitté après le
baccalauréat pour continuer des études en France.
[3] Retourné au Maroc en 1977,
je l’ai quitté quatre ans après pour m’installer en France où je suis toujours.
[4] Lui est installé au Maroc
depuis les années quatre-vingt.
[5] Moi je ne vais pas au
Maroc.
[6] À proximité du parc Montsouris.
[7] Pour l’année universitaire
1969-1970.
[8] Palestine.
[9] Après
la première guerre dite mondiale où des millions de personnes ont été
massacrées, et pendant que le colonialisme, dont le colonialisme français,
étendait les exterminations et les destructions partout dans le monde,
exterminations et destructions que poursuit toujours l’impérialo-sionisme, des
industriels, des banquiers et autres parlaient de ″paix, de compréhension mutuelle et d’échanges dans la
diversité et le respect″.
C’est dans cet esprit
paraît-il, après une première tranche de la fondation Émile Deutsch de la
Meurthe prévue pour loger quelques centaines d’étudiants, que le projet de la cité
universitaire internationale de Paris, boulevard Jourdan, a commencé à prendre
forme pour ouvrir des ″Maisons″ de divers pays à des étudiants de
différentes nationalités.
André Honorat, député,
ministre de l’instruction publique, sénateur est considéré comme l’un des pères
fondateurs de cette ″cité
internationale″ qu’il a
présidée de 1925 à 1948.
Il est dit qu’il en a
ébauché le projet lors des débats parlementaires de 1919.
[11] Plus d’une centaine de
nationalités et plusieurs centaines de résidents.
[12] Lobnaane.
[13] Un studio.
[14] Dans le département des
Hauts-de-Seine (92), pas loin de la Porte d’Orléans, et donc de la″cité internationale″.
[16] Je
m’y suis rendu, surtout lorsque je venais du Sud-Est de la France, et que l’une
des ailes de cette ″Maison″ était baptisée ″Fath″,
du nom du mouvement Palestinien de résistance.
Azzedine Kalak (‘Azz
Addiine) fréquentait cette ″Maison″.
Devenu délégué de l’O.L.P.
(Organisation de Libération de la Palestine) à Paris, il a été assassiné dans
cette ville, comme Mahmoud Hamcharii (le ″r″ roulé) avant et d’innombrables
autres partout, avant et après.
Pour revenir à la ″Maison″
du Maroc, quelques années plus tard, elle a été reprise en main par des
services de contrôle, vidée de ses résidents, fermée pendant un certain temps,
refaite selon les règles d’une architecture d’intérieur dite ″du patrimoine marocain″ et transformée en résidence pour des
personnes choisies selon ce qui ne déplaît pas aux ″autorités compétentes″,
et pour des agents en déplacement à Paris.
Il a été souligné que la ″rénovation″ est un ″cadeau″ du roi à ses sujets reconnaissants,
et un de ses gigantesques portraits a été accroché à l’entrée de la ″Maison″.
[17] Si Allaah veut.
[18] Ce personnage est décédé
en 1950, année de ma naissance.
[19].Au
Maroc, le sultanat a été transformé par le colonialisme français en monarchie
héréditaire, dite de "droit divin", où le sultan est devenu roi.
Ce régime installé pour
servir le colonialo-impérialo-sionisme, est un régime de l’imposture, de la
trahison, de la tromperie, de l’injustice, de la perversion, de la débauche, du
mensonge, du pillage, de la tyrannie, du crime, de la torture, et autres, comme
les régimes des pays dits ″arabo-musulmans″.
[20] Alfaçaade.
Dans ce domaine, la continuité est assurée.
[21] Je ne me souviens plus.
[22] À l’époque, l’omelette nature devait
coûter un franc, et le prix du repas au restaurant universitaire, un franc et
quelques centimes.
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