En arrosant le bout de jardin de
la maison où je suis installé, je redeviens souvent un enfant dans un jardin à
Taroudanete,[1] au Maroc.
Nous habitions une maison de
fonction avec un magnifique jardin.
Dans mes souvenirs, il est encore plus que cela.
Des fleurs de toutes les couleurs partout.
Des orangers, des citronniers, des bananiers, des arbres
dont je ne connais même pas le nom, des plantations diverses, variées.
Un enchantement.
Et la musique de l’eau.
De l’eau, Nous avons fait toute chose vivante nous dit Allaah.
Le jardin disposait d’un système d’irrigation fait de
« saagyaate ».[4]
La terre accueillait cette eau avec bonheur et j’étais
heureux de tenir compagnie aux plantes qui se désaltéraient avec joie.
Une bénédiction.
C’était le début du Maroc de
« l’indépendance dans l’interdépendance ».[5]
Mon père avait été nommé à un
poste « important » et nous habitions alors cette maison de fonction
avec le magnifique jardin.
Avant nous, la maison était occupée
par une famille de colonialistes de France.
La France, pays où je suis
installé dans la maison avec le bout de jardin.
J’arrose et je sens le bonheur de
la terre accueillant l’eau.
Et je suis heureux de partager la
joie des plantes qui se désaltèrent.
Une bénédiction.[6]
Avant l’arrosage, j’ai semé,
comme je l’ai fais il n’y a pas très longtemps, des graines de
« qzbour »,[7] non
loin du petit « carré » de « n’enaa’e ».[8]
Pendant l’arrosage, j’ai passé un
long moment à observer le néflier[9]
planté tout petit, qui avait bien pris, mais qui s’était mis subitement à
décliner, atteint d’un mal qui aurait pu l’anéantir.
Il a résisté et s’élance de
nouveau vers le ciel, par la grâce d’Allaah.
En l’arrosant, j’ai peut-être eu comme
l’impression de voir un enfant joyeux sous une douche fraîche l’été.
Il m’est arrivé d’arroser mes
deux fils qui en redemandaient.
Je pense à mes petits enfants
qui, un jour ine chaa-e Allaah,[10]
utiliseront ce bout de jardin pour jouer, observer, cultiver, arroser.
Je remercie Allaah pour Ses
innombrables bienfaits.[11]
BOUAZZA
[2] Selon le calendrier dit
grégorien.
[3] Nous
avons presque toujours eu des maisons avec de beaux jardins, mais souvent,
c’est à celui de la maison de
Taroudanete que je pense.
Je pense aussi à la ″basse cour″ que nous avions dans ce jardin.
Elle
était fabuleuse.
Je me revois, contemplant,
derrière le grillage, sans jamais me lasser, les coqs, les poules, les
poussins, les pigeons, les lapins et deux béliers qui avaient
d’impressionnantes cornes, prenaient du recul, chacun face à l’autre, couraient
à toute vitesse, et se tapaient les têtes.
Ils avaient l’air
d’apprécier ce genre de ″sport″, car ils y avaient recours pendant
des moments assez longs.
Dans mon esprit, l’un
représentait mon père et l’autre ma belle-mère.
Allez savoir
pourquoi !
Je
contemplais aussi le dindon qui, avec sa manière de se gonfler tout le temps
m’impressionnait.
J’aimais
regarder les canards qui jouissaient de l’eau d’un petit bassin avec une
satisfaction communicative.
Ce
spectacle m’enchantait.
Aujourd’hui encore, j’aime
observer les animaux et des canards qui s’ébrouent dans l’eau, me transportent
de joie.
Mon père a toujours eu des
animaux à la maison (coqs, poules, poussins, pigeons, canards, dindons, dindes,
lapins, moutons, vaches, chiens de garde et de chasse , chats …).
Il m’est arrivé cependant,
avec des enfants, de maltraiter des animaux.
Je fais des invocations
pour qu’Allaah me pardonne mes égarements et me couvre de Sa miséricorde.
[4] Swaaguii, swaaqii, pluriel
de saagya, saaqya (qui irrigue, rigole).
[5] ″L’indépendance dans
l’interdépendance″ a été
octroyée au Maroc par le colonialisme français en 1956.
J’avais six ans.
Dans les colonies (même si
les colonialistes parlaient de protectorat pour le Maroc), ce statut s’est
traduit par la multiplication des "États" supplétifs, subordonnés
avec plus ou moins de zèle, de soumission et de servilité dans l’exécution des
ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces "États", dont
ceux dits ″musulmans″ comme le Maroc, sont fondés sur l’imposture, le crime, la
trahison, la tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche,
le mensonge, le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la
torture, l’enfermement, la négation de l’être humain.
[6] J’apprécie l’horticulture, sans toutefois m’acharner
à retenir les noms donnés aux différentes plantes.
J’utilise
souvent le terme ″fleurs″ pour les désigner dans
leur diversité.
Pour
la pâtisserie que j’apprécie beaucoup, le terme ″gâteaux″ m’évite de peiner à vouloir apprendre les multiples
appellations.
Mon
épouse qui aime jardiner, s’intéresse à l’horticulture et tient par contre à
appeler chaque fleur par le nom qui lui est donné.
Pour
la pâtisserie, c’est pareil.
L’art
floral, qui est pour elle l’art de cultiver le jardin, de le soigner, de le ″bichonner″, lui
procure autant de plaisir que l’art de faire des gâteaux, de cuisiner.
La
manière dont elle travaille la terre ou la pâte, ou dont elle cuisine, est
emprunte du même plaisir et de la même joie.
[7] Coriandre.
[8] Menthe.
[9] Il était dans un petit
vase lorsqu’il m’a été vendu par une asiatique un jour de brocante.
[10] Si Allaah veut.
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