Dans la chambre où je dors, sur
l’étagère du côté gauche du lit,[1] parmi
quelques objets divers, figure un petit boulier avec un cadre en marbre et des
boules en cuivre je crois.
Je l’ai acheté il y a plus de
vingt ans[2] dans
une brocante en Angleterre lors d’un séjour avec mon épouse et nos enfants.
Il m’a plu et son prix de vente
était plus que modeste.[3]
Je n’ai jamais cherché à étudier comment
il s’utilise.
Mais cela ne m’a pas plus poussé
à vouloir l’utiliser.
Je le regarde de temps à autre et
je pense à ma correspondante anglaise, à son époux, à leurs enfants, à leur
famille.
Aujourd’hui, cette correspondante
et son époux sont grands-parents.
Mon épouse et moi, aussi.
J’avais dix huit ans au départ de
notre correspondance.
Elle avait quinze ans.
Elle était dans un établissement
secondaire à Accrington, dans le Lancashire.
Nous nous écrivons toujours, nous
nous téléphonons et nous nous voyons.
Une relation qui dure depuis quarante
cinq ans.[8]
Elle a débuté en 1968.
J’avais commencé à étudier
l’anglais au collège, à Lkhmiçaate.[9]
Tout de suite, comme beaucoup de
camarades, je m’y étais intéressé et je m’amusais avec eux parfois, lorsque
nous apprenions un mot, à le reprendre en le traduisant en arabe littéraire, en
arabe dialectal, en berbère et en français.
Why ? Limaadaa ? ‘laache ?
Mmaakh ? Pourquoi ?
Nous apprenions l’anglais comme
dans une sorte de jeu.
Lorsque le professeur,[10]nous
faisait répéter des mots ou des expressions, nous nous amusions à trouver
quelque chose qui a la même consonance en arabe par exemple :
confortable : kane ftbl.[11]
Full : foule.[12]
Isn’t il ? Znntite ?[13]
Les rires fusaient, gagnaient
toute la classe.
Un feu d’artifice.
Le professeur, ignorant notre
jeu, se désolait de nos « rires imbéciles ».
Il m’arrive parfois de penser
avec douceur à ces rires multi-langues, rires joyeux, et je revois des visages
en me demandant ce que sont mes camarades devenus.
Cela ne veut pas dire que j’étais
moins bon à l’écrit.
Nous nous amusions moins c’est
sûr, mais l’écrit ne me déplaisait pas.
Avec ma correspondante, il m’est
même devenu agréable.
Nous nous sommes vu plusieurs
fois, en Angleterre et en France.
Nos enfants connaissent bien les
enfants et des petits enfants anglais.
Nos petits enfants auront
peut-être l’occasion de les connaître.
La relation continue.
Toujours dans le respect et la sincérité
réciproques.[16]
BOUAZZA
[1] Lorsque je suis dans le
lit.
Il y a aussi l’étagère du côté droit, lorsque je suis
dans le lit également.
[2] En 1991, selon le
calendrier dit grégorien.
[3] Ce n’était pas encore
l’euro, et je l’ai payé l’équivalent de quelques francs français.
[4] En 1992.
[5] Très ancien.
[6] Fès.
[7] Maroc.
[8] J’en ai parlé il y a
quelques années.
[9] Khémisset.
[10]
Homme ou femme.
[11] Il
était dans le tambour.
[12]
Fèves.
[13] La
queue d’un animal (extrémité de son corps).
[15] D’autres disent : ma
tasse de thé.
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