Depuis sa retraite, il fait
souvent le navette entre la région parisienne, région dite d’accueil, et
almaghrib,[1] dit
pays d’origine.
Après quelques mois passés
là-bas, il a retrouvé, il n’y a pas longtemps ici, son épouse,[2] a pu
voir ses enfants,[3] ses belles filles, ses
beaux fils et son petit-fils, qui va bientôt avoir un an ine chaa-e Allaah.[4]
Il est arrivé il y a de
nombreuses années dans cet ensemble de bâtiments dits « sociaux »
désigné par le vocable « cité »,[5] pour
personnes reléguées en marge de la ville.
Une « cité » où des
entreprises parquaient des salariés des « colonies », en grande
majorité « noraf »,[6] donc « arabes »,
c'est-à-dire « musulmans », et où des services « sociaux »,
dans un esprit dit de « diversité »,[7] y
envoyaient des « cas » dont les dossiers avaient été
« favorablement examinés par la commission compétente ».
Avec le temps et l’extension des
programmes « urbanistiques », le terrain sur lequel est posée la
« cité », a commencé à attirer les convoitises.
Il fallait faire le vide.
Presque tous les résidents ont
été obligés d’aller ailleurs, dans des « cités » d’où ils seront
chassés plus tard pour « rénovation » ou autres.
Les appartements ont été murés au
fur et à mesure du départ des occupants et le côté dépotoir, désagrégation et
décomposition de la « cité » a été consolidé afin de pousser les
restants à dégager.
Il n’a pas dégagé.
Il est resté avec son épouse.
Et quelques autres.
Les enfants sont partis.
Ils avaient l’âge de le faire
depuis un certain nombre d’années déjà, mais ne le faisaient pas pour mille et
une raisons.
Il attend que des associations de
la « Mairie » », subventionnées par la « droite » ou
par la « gauche », lui fassent des propositions « décentes »
de relogement pour ses vieux jours avec son épouse si Allaah prolonge leur
existence ici-bas.
De temps à autre, pour ne pas
déroger à la « tradition », certaines « cités » pour
« immigrés »[8] sont
investies par des «forces de l’ordre» en armes, et des «journalistes» –
convoqués pour la circonstance – armés de préjugés, d’appareils photos et de
caméras.
Couvre feu.
État de siège.
Il faut mettre au pas les
«sauvageons»[9] et la «racaille»,[10]
neutraliser les meutes des «hors-la-loi», présenter le « travail »
accompli pour défendre «la République et les Droits de l’Homme», montrer les
coups de filet dans l’intérêt de la «Liberté» et de la «Civilisation».
Des commentateurs et tateuses,
diffamateurs et mateuses, chroniqueurs et niqueuses, collaborateurs et
rateuses, discoureurs et coureuses, chieurs et pisseuses, serviteurs et
viteuses de magnats de médias dont ils exécutent les ordres, déversent des mots
brouillés, salis, enlaidis, abîmés, falsifiés, contaminés, détournés, souillés,
trahis, dénaturés, pourris, nauséabonds afin d’entretenir l’ignorance,[11] en
agissant pour la conne science universelle.[12]
Des images accompagnent souvent
ce vomi.
Il a commencé son existence
ici-bas de l’autre côté de la mer blanche intermédiaire,[13] au Maroc
colonisé par la France et l’Espagne, divisé entre les intérêts de différents
États colonialistes.
Il était encore « tout
petit » lorsque la proclamation de « l’istiqlaal »[14] a eu
lieu, « l’indépendance dans l’interdépendance ».[15]
Quelques années plus tard, il a
été débarqué en France pour travailler comme ouvrier dans l’automobile.
Il est donc important de remonter
au moins à la période colonialiste, pour essayer de réfléchir sur le parcours
de cet homme.
En négligeant cette donnée, comme
beaucoup le font, il n’est pas possible de saisir la situation dans ses
différentes composantes, et d’essayer une lecture se rapportant à la
transplantation d’êtres de sociétés rurales, d’êtres colonisés, maintenus dans
l’ignorance, dépossédés, sans moyens, dans des sociétés industrialisées qui imposent
leur diktat.
Avec ce qui a été appelé
« le processus migratoire », des questionnements relatifs au
colonialisme sont donc incontournables.
C’est parce que les industriels
avaient besoin des indigènes, que des représentants de ces industriels se
rendaient dans les colonies pour ramener des ouvriers par milliers.
La France – et différents États
colonialistes – a eu des recours massifs à des Africains et autres, pas
seulement pour la main d’œuvre des chaînes de fabrication des voitures.
En débarquant dans la région
parisienne, il a été installé, avec d’autres indigènes du Maroc dans un champ
en dehors de l’agglomération avec une sorte de construction dite « foyer
des travailleurs » où il revenait le soir, après une journée sur les
chaînes automobiles.
Un certain nombre de ces
travailleurs a été autorisé, au courant des années soixante dix, dans le cadre
dit du regroupement familial, à faire venir femme et enfants.
Il en faisait partie.
Comme lui, son épouse est
originaire du Nord du Maroc.[16]
Une région dont les luttes pour
la dignité humaine, n’ont jamais cessé.
Dans les années vingt par exemple,
face à la résistance victorieuse des indigènes, le colonialisme
hispano-français,[17]
soutenu par d’autres, a mobilisé une soldatesque de plusieurs centaines de
milliers d’hommes, avec des moyens de destruction des plus sophistiqués[18] à
l’époque.
Horreurs.
Terreurs.
Carnages.
Abjections.
Orgies exterminatrices.
Avilissements.
Le criminel Pétain,[19] qui
a dirigé les opérations, s’est illustré dans les massacres.
Le sinistre Franco[20] a
fait ses premières classes d’assassin à cette époque.
Le colonialisme et l’impérialisme
ont modifié des modes de vie de populations colonisées et dominées.
Des massacres ont été perpétrés.
Des crimes multiples.
Des pillages.
Des usurpations.
Des tortures.
Des viols.
Des transgressions sans nombre.
Des humiliations.
La terreur.
La désagrégation planifiée.
Le désarroi répandu.
Les déséquilibres provoqués.
L’harmonie mutilée.
La mémoire infectée.
La décomposition alimentée.
Des modes d’organisation ont été
transformés.
D’autres critères ont été
introduits.
Un nouvel ordre des choses a été
instauré avec des données qui ont contribué à changer la réalité et les
représentations.
Les « empires
coloniaux » ont peut-être disparu, mais pas les effets du colonialisme et
les méfaits du système colonialo-impérialo-sioniste.
Ce système impose à des
populations entières de par le monde de chercher des moyens de subsistance dans
des conditions inimaginables.
Beaucoup parmi elles, rurales, se
sont trouvées dans des faubourgs de villes nouvelles coloniales, contraintes de
s’adapter à des modes de survie dans des bidonvilles.
Ces populations ont connu la
transplantation forcée dans leur pays d’origine, avant qu’elles ne soient
poussées à le quitter parfois.
Ce système qui sévit toujours, a
accéléré les migrations vers les métropoles.
Les forces de l’oppression ont
installé des serviteurs dits « dirigeants » des « états
souverains du tiers-monde » dont le rôle principal est de défendre par
tous les moyens « l’indépendance dans l’interdépendance. »
Des années après l’octroi de
« l’indépendance dans l’interdépendance » au pays où il a commencé
son existence ici-bas, il a été contraint à l'exil.
« L’indépendance dans
l’interdépendance » a prévu pour lui le salariat en France, sur les
chaînes de l’industrie automobile.
Et même pour ça, il fallait être
« pistonné ».
Un « intermédiaire » se
chargeait de sélectionner les partants pour la France.
Autrefois, cet
« intermédiaire » travaillait comme subalterne dans un service de
« maintien de l’ordre ».
Il a bien connu un colonialiste
du BAI (Bureau des Affaires Indigènes).[21]
Ce colonialiste a réintégré la
métropole et s’est illustré dans le domaine des « musulmans nord
africains »[22] qu’il appelle aussi les
bougnoules, les melons, les ratons, les terroristes[23], la
merde.
C’est un
« spécialiste » du « maintien de l’ordre ».
Le subalterne devenu lui aussi un
personnage « important » avec « l’indépendance dans
l’interdépendance », trouve auprès du colonialiste le soutien nécessaire
afin de procéder à la traite des salariés, tenus de payer pour « services
rendus ».
Le colonialiste touche sa part
comme d’autres à la « tête de l’état » exportateur de main d’œuvre.[24]
Tout cela fait partie de son l’histoire
de l’homme exilé, de celle de son épouse.
Une histoire très ancienne.
Des moyens dits
« d’information », c'est-à-dire des médias aux ordres, ne parlent des
« immigrés » que pour leur attribuer tous les maux qui touchent la
société dite « d’accueil ».
Lorsque ces médias parlent des
« immigrés », ils sous entendent les « maghrébins
voleurs », les « arabes violeurs », les « musulmans
terroristes ».
Ils éructent, sèment la
souillure, la pourriture, la puanteur, perdent tout sens de la retenue et usent
de toutes les horreurs.
Les rafles se succèdent.
Les humiliations.
Le mépris.
Les insultes.
Les ratonnades.
Les appels aux crimes pour
« défendre la Civilisation contre la Barbarie ».
L’homme et son épouse regardent
le jour qui s’en va et sentent la nuit qui arrive.
En arrivant dans ce pays, ils ont
eu un hébergement dans une « cité », puis dans l’appartement d’où ils
ont été expulsés pour un autre qu’ils vont devoir quitter.
Les uns partent.
Les autres arrivent.
Averses d’images.
Afflux de sensations.
Flots de pensées.
Craindre Allaah et bien se comporter.[25]
BOUAZZA
[3] Deux
filles et deux garçons.
[4] Si
Allaah veut.
Dans quelques semaines, si
tout se passe comme prévu, il sera grand-père ine chaa-e Allaah d’une petite
fille et d’un autre petit-fils.
[5] Des
Habitations dites à Loyers Modérés (H.L.M.) dont certaines servent plus
particulièrement à entasser des familles issues du processus migratoire
(principalement d’Afrique du Nord et d’autres régions d’Afrique).
[6] Nord-
africains.
[7] Le
terme sert depuis belle lurette, mais certains semblent le ″découvrir″ et en font un usage immodéré pour alimenter la
confusion.
[8] Une
grande partie, pour ne pas dire la presque totalité, est de nationalité
française mais le mot ″immigrés″ est préféré parce que plus ″opérationnel″ et sous-entend ″islam″ ce qui, pour les ennemis de
l’Islaam, permet toutes les agressions.
[11]
Aljahl.
[12] Ne pas confondre avec
Conscience Universelle.
[13] Albahr alabyad
almoutawassite, la mer méditerranée.
[14] L’indépendance.
[15]
Statut octroyé par le système colonialo-impérialo-sioniste, et qui s’est
traduit dans les colonies par la multiplication des "États"
supplétifs, subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission et de
servilité dans l’exécution des ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces "États", dont ceux dits ″musulmans″,
comme celui auquel il est rattaché, sont fondés sur l’imposture, le crime, la
trahison, la tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche,
le mensonge, le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la
torture, l’enfermement, la négation de l’être humain.
[17] Qui
craignait de perdre le sultanat et de ne plus pouvoir se référer au ″protectorat″ consenti par le sultan pour ″justifier″
le massacre des populations imposé donc par ″l’obligation″ de protéger l’institution
sultanienne (devenue avec ″l’indépendance
dans l’interdépendance″,
monarchie héréditaire dite de ″droit
divin″).
[18] L’aviation a été
terrifiante.
[19]
Président de la République française durant l’occupation par l’Allemagne
(Régime de Vichy, 1940-1944).
À cette époque, des ″résistants français″ fuyaient la France occupée pour
s’installer au Maroc colonisé par la France qui envoyait des marocains
colonisés (et des colonisés d’autres contrées) combattre l’Allemagne pour
libérer la France !
Pendant la guerre dite de ″14-18″,
la France colonialiste au Maroc envoyait déjà des marocains colonisés (et des
colonisés d’autres contrées) combattre l’Allemagne pour libérer la France !
[20] Chef de l’État espagnol
de 1939 à 1975.
[21] Aux
USA,United States of America, les États unis d’Amérique, construits par des
européens sur le génocide des Indiens, sur l’esclavage, sur le terrorisme, sur
l’utilisation des bombes atomiques et sur d’innombrables autres massacres et
destructions qui continuent partout.
À l’avant-garde du système
impérialo-sioniste, les USA sont aujourd’hui la première puissance militaire et
atomique à la tête des massacres de multiples populations, dans le monde
entier.
Les massacres et les
destructions contre les croyants et les croyantes atteignent des proportions
inouïes.
Des croyants et des
croyantes sont kidnappés dans n’importe quel pays, torturés, emprisonnés dans
des lieux d’enfermement des plus sordides, des bagnes un peu partout, liquidés
par tous les moyens, en violation totale des règles les plus élémentaires des
droits humains.
Et les États-Unis
d’Amérique, l’impérialo-sionisme, sont applaudis comme ″défenseurs de la liberté″.
Les agressions, les crimes,
les exterminations, les violations de tous les droits des populations et des
individus à travers le monde, les massacres, les destructions, les
anéantissements, les éliminations, les assassinats, le pillage, le vol, la
cupidité, la domination, la répression, l’oppression, l’exploitation, le
mensonge, le cynisme, la tromperie, la tricherie, les discriminations, les
enlèvements, les enfermements, les tortures, les humiliations, le mépris,
l’arrogance, le faux, l’imposture, ″c’est
la défense de la liberté″ selon
les applaudisseurs.
Aux USA donc, il y’a aussi
le BAI (Bureau des Affaires Indiennes).
[22] Les noraf.
[23] Les Résistants sont
appelés terroristes. L’Allemagne du national-socialisme les appelait ainsi
également.
[24] Des
jeunes qui n’ont rien coûté à la métropole et qui constituent une main d’oeuvre
immédiatement exploitable et corvéable à merci.
[25] D’après Abou dharr et mo’aadh Ibn Jabal qu’Allaah les
bénisse, le Messager d’Allaah sur lui la bénédiction et la paix a dit :
« Crains Allaah où que tu sois. Efface la
mauvaise action par la bonne action et comporte toi avec les gens de bonne
manière » (hadiite rapporté par Attirmidhii) .
Voir :
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