J’étais interne.
Une période avec des compagnons auxquels
j’étais très attaché.
Un temps où il arrivait parfois, instantanément
que naisse une relation qui se scelle et se renforce, comme par enchantement.
J’en ai un peu parlé au sujet
d’un ami que j’appelais « alfaylasouf ».[1]
Beaucoup de ces compagnons venaient
d’un milieu démuni matériellement.
La richesse était grande
cependant par l’authenticité des sentiments, la confiance, l’élan du cœur.
Au réfectoire, les compagnons
avec qui j’étais à la même table, me désignaient souvent comme « chef de
table », en dépit de mon jeune âge.
Et ce n’était pas pour se
décharger d’une corvée.
C’était un encouragement je
pense, pour mes efforts visant à être fidèle et intègre.
Un soutien à mon esprit de
probité.[2]
Je prenais à cœur la
« fonction » de « chef de table ».
Elle contribuait à me rappeler,
je crois, qu’il est important de faire de son mieux pour ne pas être indigne de
confiance.
Pour témoigner du respect à
l’égard des personnes dignes de respect.
Pour ne pas perdre de vue
l’équité.
Pour ne léser personne.[3]
Allaah m’a aidé à saisir la force
de la modestie et de l’humilité.[4]
Il m’a aidé à m’éloigner de la
compromission et de la servilité.[5]
Je pense à certains de ces
compagnons avec affection.
Concernant ma tache de
« chef de table », pour le partage de la viande par exemple, je
faisais tourner, au milieu de la table, le verre « duralex »,[6] en
désignant le morceau à attribuer à la personne qui aura le haut du verre en
arrêt devant elle.[7]
Pour ce qui est des légumes et
autres, je veillais à donner une part égale à chacun.
Ce n’était pas le cas partout.
Certains « chefs de
table » n’appliquaient pas la « technique » du verre, et
demandaient à quelqu’un qui était de connivence avec eux, de fermer les yeux ou
de regarder ailleurs, puis de dire à qui sera attribué le premier morceau de
viande, puis le suivant et ainsi de suite.
Pour les légumes et autres, ils
se servaient d’abord copieusement, puis s’occupaient des autres selon les mêmes
critères condamnables.
La tricherie était évidente, mais
la crainte qu’inspiraient ces « chefs de table », permettait de faire
durer leur système.
Quelques uns parmi ces
« chefs de table », ou d’autres qui leur ressemblaient, sont devenus
des soutiens du régime de « l’indépendance dans l’interdépendance »[8] qui
sévit toujours au Maroc.[9]
BOUAZZA
Arbre
fermement enraciné dans la terre, et dont les branches s’élancent vers le ciel.
[1] Le
philosophe.
[2] J’ai
réalisé plus tard et je réalise toujours, combien ces attitudes sont détestées,
méprisées, rejetées, et combattues partout, à tous les niveaux, dans tous les
domaines.
[3]
Principes auxquels je suis attaché avec l’aide d’Allaah qui m’appuie pour
résister au mensonge, au faux, à l’imposture.
J’invoque Allaah pour qu’Il
me protège, m’éclaire et me guide.
[4] Que
d’aucuns tiennent à confondre avec faiblesse de caractère, manque de
détermination, laxisme, et autres.
[5] Cela
ne signifie pas que par la suite j’ai évité des méfaits, que je n’ai pas fauté
et que je ne risque pas de pécher.
Il m’est arrivé, et il
m’arrive, de me montrer indigne de la confiance placée en moi par Allaah, et de
me comporter de manière blâmable.
Mais Allaah, dans Son
infinie miséricorde, accepte le repentir (attawba), et nous soutient dans nos
efforts pour retrouver l’engagement que nous avons pris, avant même notre
apparition ici-bas.
Il nous soutient afin de
vivre l’Islaam qui depuis Aadame (Adam) sur lui la bénédiction et la paix,
consiste à faire de notre mieux pour l’Adorer, comme Il le demande.
Je l’invoque pour qu’il
accepte mon repentir, me pardonne, m’éclaire et me guide.
[6]
Pendant toutes mes années à l’internat, je n’ai connu que cette marque, qui
représentait la solidité.
Et on dirait que le verre a
été conçu aussi pour tourner au milieu d’une table d’internes.
Je ne connaissais pas
l’expression en latin ″dura
lex, sed lex″ (la loi est dure,
mais c’est la loi).
Lorsque je l’ai découverte,
j’ai pensé d’abord au verre de l’internat.
[7] Cette
pratique avait cours dans d’autres tables, et d’autres établissements bien sûr.
[8]
Statut octroyé par le colonialisme, l’impérialo-sionisme, et qui s’est traduit
dans les colonies par la multiplication des "États" supplétifs,
subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission et de servilité dans
l’exécution des ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces "États", dont ceux dits ″musulmans″,
sont fondés sur les horreurs et la négation de l’être humain.
Il en est ainsi du régime
au Maroc, dont les fondements ont été et demeurent l’imposture, la trahison, la
tromperie, l’injustice, la perversion, la débauche, le mensonge, le pillage, la
tyrannie, le crime, la torture, l’enfermement, et autres.
[9] J’en
ai revu un il y a trente cinq ans, un servile heureux qui a prétendu, sans
sourciller, qu’il ne se rappelait pas de moi.
Par sa servilité, il était
destiné à devenir une serpillière officielle, ″gouverneur″, et il l’est devenu.
S’il est toujours de ce
monde, il doit continuer à alimenter et à entretenir ses tricheries, sans
jamais admettre qu’il tricha.
Voir :
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