mercredi 19 décembre 2012

L’ITALIEN



Depuis longtemps, chaque fois que je vais en Italie, ou que j’entends parler italien, j’ai une sorte de regret de ne pas maîtriser cette langue.
Il y a des années, j’ai essayé de l’apprendre en suivant des cours au centre culturel.
Je me suis alors rendu compte que ce n’est pas une langue aussi facile que je le croyais.
J’ai abandonné cet apprentissage au bout du dixième cours qui concluait un cycle payé d’avance.
Mon épouse a fait des études supérieures d’italien et en possède une maîtrise.
Elle parle couramment cette langue qu’elle a enseignée pendant une année, au début de sa carrière d’enseignante.
Son père était originaire d’Italie.
Né en 1903[1] en Italie du nord, il était arrivé en France à l’âge de 16 ans.
Pour travailler.
Ses parents étaient des paysans pauvres.
Il faisait partie d’une fratrie de six enfants : trois filles et trois garçons.
Il était l’aîné.
En 1931, il avait épousé une femme née en 1904,[2]dont les parents tenaient une boulangerie-épicerie au lieu-dit l’Homme-d’Armes, commune de Savasse, dans la Drôme.
Elle faisait partie d’une fratrie de cinq enfants : quatre garçons et elle même.
Son époux avait toujours travaillé dans le bâtiment.
Jusqu’à sa retraite à l’âge de 65 ans.
En Allemagne, lorsqu’il avait été déporté dans le cadre de ce qui avait était appelé le travail obligatoire, il était employé dans une ferme.
Quelques années après son retour dans la Drôme où il avait retrouvé son épouse, ils avaient eu un enfant alors qu’ils n’y croyaient plus.
Une fille[3] : mon épouse[4].
Ils n’en ont pas eu d’autre.
Je l’ai toujours connu discret et simple.
C’était un homme qui ne trichait pas.
Lorsque je me préparais en 1977 à quitter la France pour le Maroc avec sa fille et son petit-fils, la séparation lui était dure, mais il n’était pas triste.[5]
Il m’avait fait comprendre qu’il savait qu’avec moi, ils étaient dans de bonnes mains.
Et avec sa profonde réserve, il m’avait signifié qu’il était rassuré de me passer le relais afin que je prenne soin de sa fille.[6]
Lorsque j’entends des personnes s’exprimer en cette langue, j’ai l’agréable sensation que cette langue me parle.
Le cadet de mes deux fils n’a pas eu de mal à parler l’italien.
Comment a-t-il fait pour l’apprendre ?
Comment fait-il pour préparer les pâtes comme en Italie ?
Mon fils aîné se rend aussi en Italie, il est également doué pour faire des pâtes, et se débrouille en italien.
Un de mes neveux, l’aîné de ma sœur décédée en 1970, a quitté le Maroc dans les années quatre-vingts, pour s’installer en Italie où il a vécu jusqu’en 2012.
Il parle couramment l’italien bien sûr, mais qu’est-ce qu’il sent en parlant cette langue ?
J’ai une pensée, encore une fois,[7] pour Haçane Ibn Alwazzaane, capturé par des pirates au XVIème siècle, donné au Pape et devenu géographe.
Le géographe Jean Léon de Médicis, dit Léon l’Africain :
« […] Après avoir vécu à Grenade, sa ville natale, à Fès, à Tombouctou, au Caire, à Constantinople, Léon passe plusieurs années à Rome, où il enseigne l’arabe, écrit la partie hébraïque d’un dictionnaire polyglotte, et rédige en italien, sa célèbre « description de l’Afrique », qui va rester pendant quatre siècles une référence essentielle […].
Homme d’Orient et d’Occident […] ».[8]



BOUAZZA


[1] Selon le calendrier dit grégorien.
[2] Décédée en juin 1979.
[3] Née en juillet 1948.
[4] Moi je suis né en mars 1950.
[5] Je suis arrivé en France pour des études supérieures en 1970.
En retournant au Maroc en 1977, j’étais marié et père d’un fils.
Pendant les quatre années passées au Maroc, nous avons eu un deuxième fils.
Nous sommes revenus en 1981 pour nous installer de nouveau en France où nous sommes encore.
Nos fils sont époux et pères, et nous sommes, par la miséricorde d’Allaah, mon épouse et moi, Grands-parents depuis 2012.
[6] Il est mort en 1981, l’année de notre retour  du Maroc, pour nous installer en France.
[7] J’en ai parlé déjà.

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