Un peu partout, dans Paris et sa région une
foule marche.
Pour soutenir la résistance des Indigènes contre
le colonialisme français.
Des basanés.
Des basanés.
D'habitude, ils passent inaperçus.
Ils quittent rarement leurs réserves et les
lieux où ils triment.
Et les voilà subitement en masse.
Comment est-ce possible ?
Comment osent-ils devenir visibles ?
Ils marchent.
Des hommes, des femmes, des enfants.
Depuis combien de temps ?
Quelle distance ont-ils parcouru ?
Pour eux, le temps ne compte pas et ils ne mesurent
pas l'espace.
Un immense souffle est en eux.
Le but est dans leur coeur et rien de ce qui est
éphémère ne les atteint.
Ce qui doit être sera.
Ils s'approchent de la Seine au rythme de
battements tels ceux du coeur de la mère que tout enfant béni garde en lui.
Une ambiance pleine d’espoir.
On aurait dit l'aurore de la vie.
Un peu partout, des rangs noirs formés par des
forces dites de l'ordre.
Par moments, de lourds nuages voilent la clarté
du jour.
Mais pour ces êtres qui marchent, le ciel est
d'un magnifique éclat et la Seine est radieuse.
Mohammad sourit à sa mère qui lui caresse les
cheveux, et serre fort la main de son père.
Les rangs noirs explosent, des véhicules ternes
vrombissent.
L'arsenal du maintien de l'ordre se répand en un
déversement de haine.
Les marcheurs sont encerclés par ce flot.
Dans Paris et sa région, plus de douze mille
arrestations.
Des camps de détention et de torture.
Des blessés.
Des tués.
Des corps d'hommes, de femmes et d'enfants jetés
dans la Seine.
Des moyens dits d'information ont informé :
Des semeurs de désordre, terroristes musulmans,
fanatiques, ont été mis hors d’état de nuire.
La liberté.
Taratata.
L’égalité.
Taratata.
La fraternité ;
Taratata.
Le
ciel infini est d'un bleu de mois de mai.
La
Seine coule.
Depuis
des années, Mohammad y vient assez régulièrement.
Il
s'arrête, fixe le fleuve et sourit à ses parents jetés dans la Seine le 17
octobre 1961.[1]
BOUAZZA
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