« Mohammed[1]
cheminait à pas lents le long du sentier escarpé, par ce vingt-sixième[2] matin
du mois de Ramadan[3] ─ un homme très paisible
d’apparence, très fragile au-dedans. Cheminant, il avait l’étrange impression
de descendre à la fois vers sa ville natale, la Mecque,[4] et
vers la première aube : la genèse des mots. Parfois il fermait les yeux,
tant les rayons du soleil étaient acérés et tant il doutait de sa raison. Mais,
même quand il les rouvrait et les gardait fixes, sans ciller, il voyait encore
et toujours danser devant lui, tels des pans épars d’un mirage étendu à travers
l’espace, un amas de sons confus dont il ne pouvait tirer qu’une idée sans
forme ni noyau, rien qu’un appel de la mémoire, retentissant sans un cri. Des syllabes
qui étaient avant tout une musique.
De toutes ses forces, il essayait
de lutter afin de retrouver la réalité rassurante. Désespérément.
T.H….A.L.M….Y.S.[5]
Des lettres étaient en lui, groupées par deux ou trois, circulaient dans ses
veines, circulaient dans la moelle de ses os, marchaient de part et d’autre de
son corps, comme autant de témoins ressuscités d’entre les morts. C’était comme
s’il les avait tant connues, puis perdues dans l’autrefois ─ tant aimées.
Lambeaux de brouillard irisés par la lumière du jour, des lambeaux de phrases
enchaînés les uns aux autres, s’estompant à peine élaborés, puis revenant à la
charge avec une vie aiguë, chaque voyelle et chaque consonne s’exprimant par sa
propre voix : ″ …Quand il sera demandé à une âme pour quel crime
elle a été tuée… ″ ─ ″ ... Par les figues et par les olives… ″ ─ ″ Se
peut-il que, retournés à l’état de poussière, nous devenions ensuite une
création nouvelle ? ″ [6]
[1] Il
s’agit de l’ultime Prophète et Messager Mohammad sur lui la bénédiction et la paix,
au début de sa désignation par Allaah pour continuer et achever de transmettre
le Message de l’Islaam.
L’Islaam, depuis Aadame
(Adam) sur lui la bénédiction et la paix, consiste à faire de son mieux pour
Adorer Allaah, comme Allaah le demande.
[2] Aujourd’hui
c’est le vingt-sixième jour du mois de ramadaane 1433 d’alhijra (14 août 2012
selon le calendrier dit grégorien).
[3]
Ramadaane, mois de jeûne pour les croyants et les croyantes (almouminoune wa
almouminaate), par obéissance à Allaah.
[4]
Makka, en Arabie.
[5] Débuts de chapitres
d’Alqoraane (du Coran).
"Ta-Ha"
c’est en fait les deux lettres "T-H" vocalisées (usage
d’achchakle en langue arabe).
Dans d’autres chapitres la
prononciation intervient aussi, comme dans "Ya-Sine" (Ya-e-Siine), "Y-S".
Il en est ainsi dans
plusieurs chapitres du Livre.
Mohammad hamiid Allaah
(Muhammad Hamidullah) précise dans sa traduction du Qoraane que "les sourates 2, 3, 7, 10, 11, 12, 13,
14, 15, 19, 20, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 36, 38, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46,
50 et 68 commencent non par des mots, mais par des lettres de l’alphabet,
détachées en n’ayant pas de sens particulier.
Le Prophète Mohammad
lui-même, sur lui la bénédiction et la paix, ne semble pas avoir précisé leur
signification, d’où d’innombrables interprétations suggérées par les
commentateurs anciens et modernes.
Laissons-les alors telles
quelles" (note de bas de page, Qoraane (Coran), sourate2 (chapitre 2),
Albaqara (le ″r″ roulé), La Vache, aayate 1 (verset
1), p. 2.
Kachriid souligne que "A.L.M.". (Alif.
Laame. Miime.), "les trois
lettres énigmatiques qui forment le premier verset du chapitre 2 sont l’un des
mystères du Qoraane (Coran).
Certains disent qu’Allaah
veut nous signifier ainsi qu’Alqoraane a été réalisé dans toute sa splendeur et
sa perfection à partir des simples lettres de l’alphabet.
D’autres y trouvent des
symboles qui auraient leur signification dans la langue syriaque.
D’autres enfin veulent les
interpréter par la valeur numérique attribuée à chacune des lettres de
l’alphabet.
Disons tout simplement que
notre esprit n’arrivera jamais à épuiser tous les sens cachés de ce Livre sacré
qui, selon un fameux hadith "sera
ressuscité vierge le jour du jugement dernier"
(yob’ath haadaa lkitaab yawma alqiyaama bikrane)".
Pour le verset 1, du
chapitre 20, il ajoute que "la
tradition veut que "Ta-Ha" et "Ya-Sine"
soient des appellations élogieuses données par Allaah à Son Prophète Mohammad,
sur lui la bénédiction et la paix".
Salaah Addiine Kachriid
(Salah Eddine Kechrid), traduction du Qoraane (Coran), Lobnaane (Liban),
Bayroute (Beyrouth), éditions Daar Algharb Alislaamii, cinquième édition, 1410
(1990), première édition, 1404 (1984), p. 2 et 406.
[6]
Références à Alqoraane ( Le Coran) qui est la continuation, la synthèse et le
parachèvement du Message d’Allaah, que Mohammad, l’ultime Prophète et Messager
sur lui la bénédiction et la paix, a eu pour mission de transmettre.
Driis chchraïbii (les ″r″
roulés).
Driss Chraïbi, L’homme du Livre, roman, Éditions Balland-Eddif, 1995, P.
23-24.
Voir :
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